Fred Jourdain: dans le ventre du Dragon bleu



Nicolas Houle
Le Soleil
Jourdain a utilisé diverses techniques pour créer les personnages,... (Illustrations tirées du «Dragon bleu») 
(Québec) Difficile de dire non à Robert Lepage. Pourtant, lorsque le célèbre metteur en scène l'a approché pour une adaptation du Dragon bleu en bande dessinée, Fred Jourdain hésitait. Deux ans plus tard, l'illustrateur est heureux d'avoir plongé dans cette aventure qui lui a permis d'exploiter une autre facette de son talent et de coucher l'univers de Lepage sur papier.

Ce n'est pas par manque d'intérêt que l'artiste de 26 ans était réticent à mettre en images la pièce de théâtre signée Lepage et Marie Michaud. Au contraire, lorsqu'il a assisté à l'avant-première montréalaise, en 2009, il a été immédiatement séduit. C'est plutôt qu'il ne s'était jamais vraiment lancé dans la BD et qu'il avait des réserves quant à l'idée d'aborder ce projet de manière classique, comme aurait pu le faire un Hergé, par exemple, qui avait été une source d'inspiration pour les auteurs avec Le lotus bleu.
«Durant notre première rencontre, j'ai posé plusieurs questions, car je ne croyais pas être la bonne personne pour faire une bd à l'européenne, qui tenait en 46 pages, raconte Jourdain. Mais Robert était ouvert à mes propositions. Il m'a dit de partir avec mes idées et de lui proposer quelque chose.»

OEuvre hybride
Se plonger dans Le dragon bleu a forcé Jourdain à sortir de sa zone de confort. Actif professionnellement depuis 2004, le dessinateur de Québec s'était fait un nom grâce à ses portraits de figures célèbres du rock, de la chanson québécoise, du jazz ou encore du cinéma. C'est d'ailleurs en apercevant ses oeuvres exposées dans divers bars et cafés que l'équipe d'Ex Machina s'était intéressée à lui.
Jourdain a passé près de trois mois à noircir du papier avant de trouver la piste qu'il voulait exploiter. Son Dragon bleu a pris forme en mariant des séquences typiques de bd avec de grands tableaux muets qui s'étendent sur deux pages de même qu'avec des passages où, en marge des illustrations, on peut lire des dialogues. Claire Forêt, qui s'apprête à aller adopter un enfant en Chine, prend donc vie en deux dimensions, tout comme son ancien amoureux, Pierre Lamontagne, qui réside dans l'Empire du milieu et fréquente la jeune peintre Xiao Ling, enceinte malgré elle.

«Mon but était de faire quel­que chose d'hybride, car c'est une histoire où il y a beaucoup de dialogues. Le risque avec une bd classique aurait été de se retrouver avec des bulles très chargées de textes, à la Blake et Mortimer, et avec des cases alternant toujours entre champ et contrechamp.»

Carte blanche
Les propositions de Jourdain ont été reçues avec enthousiasme par Lepage et son équipe, si bien que le dessinateur dit avoir eu carte blanche ou presque. Tout au long des 176 pages de l'album, Jourdain met l'histoire à sa main en usant de diverses techniques, traditionnelle, comme le pinceau, ou moderne, comme la coloration numérique. Il développe les personnages à sa manière : Pierre ressemble vaguement à Lepage tandis que Claire est davantage stylisée. Il mise sur les couleurs, question de bien installer les ambiances et s'efforce, enfin, de rendre avec précision les lieux décrits.

«Je ne suis pas allé en Chine, mais ça m'a donné le goût d'y aller. Si je n'avais pas fait ce projet-là, je n'aurais pas été en contact avec la culture orientale.»

La parution de l'album, prévue pour le 13 avril, se doublera d'une exposition durant le Salon du livre et le Festival de la bande dessinée de Québec. Une série de tableaux, qu'on pourra apprécier au Centre des congrès, retracera la genèse du projet. Jourdain mijote également d'autres expositions consacrées au Dragon bleu : l'une à Montréal à la galerie L'aire libre de Librairie Monet à compter du 26 avril, l'au­tre pour?Québec, qui aura lieu en mai. Il compte enfin s'atteler à d'autres initiatives où son savoir-faire de portraitiste sera mis à contribution. La bd sera-t-elle au rendez-vous?

«Je n'ai pas envie de faire carriè­re comme bédéiste, mais si quel­que chose comme le Dragon bleu se pointe, c'est tellement enrichissant que j'embarquerais.»

Le lancement officiel du Dragon bleu, édité chez Alto, aura lieu le 16 avril, au Studio P, dans une formule 5 à 7.

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