L'hebdomadaire Spirou est de retour!

L'illustré septuagénaire est à nouveau disponible chaque semaine au Québec

Sylvain Cormier, Le Devoir, 10 février 2010, Livres
Illustration : Source Éditions Dupuis
Mais... mais? Avais-je la berlue? Hallucinai-je en plein jour et sans champignons avec des Schtroumpfs en dessous? Spirou! Sapristi de sapristi! Bigre de bigre! L'hebdomadaire Spirou, l'illustré septuagénaire, le journal de Spirou s'offrant bel et bien à la vente, à la Maison de la presse internationale au coin de ma rue. En plusieurs exemplaires. Même pas reliés. Comme dans les kiosques à journaux en France et en Belgique. Joie. Félicité. Allégresse.

Comprenez l'émoi d'un ancien fidèle lecteur. J'ai lu Spirou à l'unité très, très longtemps, de mes douze ans jusqu'à la mi-vingtaine, au milieu des années 1980. Semaine après semaine, sans rater une seule parution. Jusqu'à ce que je ne puisse plus, faute de Spirou: ça ne se vendait pas assez au numéro, paraît-il, alors Spirou hebdo avait disparu de chez les marchands de périodiques et de journaux. Seule solution, à moins de s'abonner: attendre tous les trois mois les reliures d'éditeur, et lire treize numéros à la fois. Ce qui n'était pas pareil, fichtre foutre non. Qui est plus, le Spirou de la fin des années 1980 était moins bien qu'avant, ceci expliquant peut-être cela, et c'était plus évident treize à la fois. Plaisir amoindri, j'ai fini par me lasser d'attendre.

Là-bas, en Europe, Spirou paraissait encore et toujours, chaque mardi. À chaque voyage, l'oeil accrochait une couverture dans une vitrine, le coeur se nouait. Pour tout vous dire, j'ai été tellement ému de retrouver Spirou au coin de ma rue que j'ai attendu quelques semaines pour en parler ici. Histoire d'être bien certain. J'ai compris ce qui se passait en lisant le courrier des lecteurs. «Je voudrais savoir pourquoi le Québec est oublié par votre magazine?» écrit Benjamin Carrier de Montréal. «Ton appel a été entendu, cher Benjamin. Spirou est revenu en kiosque au Québec!» Et la rédaction d'expliquer le coup de la distance et des frais d'envoi, d'où l'hiatus de 25 ans. Et d'annoncer qu'il s'agit «encore pour l'instant d'un test sur plusieurs mois pour voir s'il existe suffisamment d'amateurs de Spirou au Québec». La prépublication dans l'hebdo de la série québécoise Les Nombrils, succès signé Delaf et Dubuc, n'est pas étrangère à ce nouvel essai de mise en place, ajoutait-on.

Le Spirou d'aujourd'hui

On se croise les doigts, donc. Achetez Spirou, tous! Et lisez-moi ça. Le vieil illustré a pris du galon. Spirou, certes destiné aux ados, est redevenu le creuset de la meilleure bédé européenne, tous styles coexistant pacifiquement. Lewis Trondheim y prépublie ces jours-ci la suite des histoires de Lapinot sans Lapinot (Top ouf). Émile Bravo, que Le Journal d'un ingénu a consacré, y poursuit les «épatantes aventures de Jules». Au fil des pages se côtoient Ingmar, le Viking trouillard de Bourhis et Spiessert, Marzi la petite Polonaise aux grands pieds en pleine désintégration du Bloc soviétique, etc. Plus des tas de gags en une planche ou en strip, aussi variés qu'irrévérencieux, de La Vie en slip au Game Over de

Midem. Le rédactionnel a retrouvé un ton, et des petits dessins en haut et en bas des pages commentent à nouveau la vie du journal, comme au temps des Innommables de Yann et Conrad. Même le sommaire (La Semaine d'Eddy Tôt) est marrant.

Trouvaille des trouvailles: Animal lecteur!, ou la bédé mise en abyme. Les affres du quotidien d'un libraire spécialisé en bédé, enseveli sous les invendus, cerné par les collectionneurs blasés. Je me jette dessus avant même d'acheter mon Spirou. C'est tout le bonheur de la périodicité: l'attente récompensée. Sept petits jours et voilà, on rigole. Franquin, Delporte, Peyo qui êtes aux cieux, faites que ça dure.

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