Hergé s’invite à Lausanne

En partenariat avec BDFIL, le Mudac propose une exposition rétrospective du père de Tintin. Par Michel Rime (24 heures)


Crayonné de la planche 56 d’«Objectif lune», le premier tome de l’aventure lunaire de Tintin. L’exposition du Mudac permet de se familiariser avec toutes les étapes de la production d’une bande dessinée. HERGÉ-MOULINSART 2016 

Ectoplasme, coloquinte, rapace: ces trois mots suffisent à faire surgir le capitaine Haddock de son purgatoire de héros de papier. Avec lui, Tintin et Milou se profilent forcément, puis les Dupondt, Tournesol et peut-être ce casse-pieds de Lampion ou le brave et très curieux Nestor. La famille est à géométrie variable selon les souvenirs et les goûts de chacun. Le plus méconnu du grand public reste Hergé, l’auteur des 24 aventures du petit reporter… qui n’écrit vraiment qu’une fois.

Sur une idée de Dominique Radrizzani, directeur artistique de BDFIL et en collaboration avec le festival, le Mudac abrite une expo que lui a livrée clés en main et sur mesure le Musée Hergé de Louvain-la-Neuve (B). Voici donc le premier étage de l’institution lausannoise traversé par un papier peint collé sur ses murs et qui reprend la vie et l’œuvre du maître.

A cet écrin concis, riche en photos, dessins, documents et reproductions s’ajoutent une jolie panoplie d’orignaux. Même le bureau sur lequel travaillait le maître a fait le chemin depuis la Belgique.

Illustrateur et publicitaire
Vous savez certainement que Georges Remi (1907-1983) a commencé son œuvre d’illustrateur et de publicitaire bien avant Tintin. L’exposition débute par là. «Nous avions à cœur, précise Marco Constantini, conservateur du Mudac, de présenter ses premiers travaux.» Et d’insister en pointant du doigt les arbres d’une affiche intitulée «Vacances à la campagne,» le début d’un trait que l’on qualifiera plus tard de ligne claire.

Le clou de cette première salle réside dans un carnet de croquis d’attitudes ouvert sur un dessin d’automobile en couleur réalisé en 1922. Une tablette permet de le feuilleter en réalité virtuelle.

La salle suivante porte les couleurs de la Chine. Il nous y est permis de voir l’illustration, tirée d’un illustré de l’époque, où Hergé est allé pêcher le dragon qui orne la couverture du Lotus bleu. La présentation des feuillets de documentation montre l’ordre, la numérotation, bref, l’archivage minutieux de photos et de documents essentiels à sa création dessinée. «Mon réalisme m’est absolument indispensable pour travailler», aimait à dire Hergé.

Un peu de cuisine
Et, si vous vous passionnez pour la cuisine, une salle, particulièrement didactique, vous résumera, originaux d’Objectif Lune à l’appui, les étapes successives du travail: idée de base, documentation, découpage, crayonné, passage à l’encre, couleur, production et diffusion.

Le visiteur accède ensuite dans le saint des saints: trois cimaises d’originaux qui parcourent le XXe siècle jusqu’en 1983. Très instructif de détailler la planche5 d’Au pays des Soviets et de la comparer à une illustration bien plus fouillée qu’Hergé exécute la même année, soit en 1929. Et, comme il n’y a pas que Tintin dans cette œuvre, une illustration pour une couverture de Quick et Flu pke vous fera sourire, car un flic bien rond surveille de près les chenapans. Les amoureux des galions s’extasieront sur la planche15 à l’encre de Chine du Secret de la Licorne.

Les attentifs remarqueront que le crayonné de Tintin et le Thermozéro exposé n’a donné lieu à aucune planche car l’album a été abandonné. Passons sur le Tibet et les Bijoux, pour observer les marges du crayonné de la deuxième planche de L’Alph-art. On y voit, saperlipopette, la Castafiore sous un profil jeune et engageant.

Le meilleur pour la fin avec une citation inédite d’Hergé: «Un jour, un élève m’a pris un dessin et l’a montré au professeur, monsieur Deschamps. Celui-ci l’a regardé avec une moue méprisante et m’a dit: «Il faudra trouver autre chose pour vous faire remarquer!…» (24 heures)
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